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GABRIEL TARDE
Les lois sociales

"Cette hésitation, cette petite bataille interne, qui se produit à des millions d'exemplaires à chaque moment de la vie d'un peuple, est l'oppostion infinitésimale et infiniment féconde de l'histoire; elle introduit en sociologie une révolution tranquille et profonde."

 

"A la longue il faudra bien ouvrir les yeux à l'évidence, et reconnaître que le génie d'un peuple ou d'une race, au lieu d'être le facteur dominant et supérieur des génies individuels qui sont censés être ses rejetons et ses manifestations passagères, est tout simplement l'étiquette commode, la synthèse anonyme de ces originalités personnelles, seules véritables, seules efficaces et agissantes à chaque instant, innombrablement, qui sont en fermentation continue au sein de chaque société grâce à des emprunts incessants et à un échange fécond d'exemples avec les sociétés voisines." (1898)

Jacques Testart
LE VIVANT MANIPULE

"Tout risque d'atteinte à la santé, ou à l'écologie, ou aux acquis culturels ou sociaux de la vie humaine, tout risque, fût-il infinitésimal, suffit alors pour refuser l'imposition d'une telle technologie, au moins jusqu'à ce qu'elle soit capable de démontrer un avantage substanciel."

GILLES A.TIBERGHIEN
De la nécessité des cabanes

 "Les cabanes se différencient enfin des maisons pour une troisième raison : elles n’ont pas de seuil, pas de limite entre l’intérieur et l’extérieur. Vous me direz qu’elles ont tout de même une porte et des fenêtres même si elles sont faites de tissus ou de bouts de carton. C’est vrai, mais si vous pensez à ce que sont vos cabanes, vous savez bien qu’elles n’ont pas vraiment de limites de ce genre ; elles sont ouvertes à tout vent, au vaste monde extérieur, réel et imaginaire, et l’on y entre comme dans un moulin même si vous en défendez jalousement l’entrée. Seules des personnes privilégiées, celles que vous choisissez, peuvent y pénétrer — à condition que vous les invitiez à le faire. Les cabanes ne nous abritent que pour mieux nous exposer au monde, à la nature qui nous entoure, mais aussi à notre nature, enfin celle que nous pensons être la nôtre en tout cas. Ici l’intérieur et l’extérieur s’échangent en permanence."

"Pour les adultes, un bureau, un garage, une buanderie, une cuisine peuvent être des cabanes dans leur genre, des espaces que nous avons investis et qui nous permettent d’être nous-mêmes tout en accueillant le monde en nous. La cabane est un jeu au sens où vous l’entendez communément quand vous dites que vous allez jouer, mais aussi au sens où l’entend Winnicott, une activité qui engage une façon de communiquer avec un autre quel qu’il soit, tout en nous préservant d’une certaine façon. Si l’autre est trop près de nous, nous ne savons plus qui nous sommes. S’il est trop loin, nous ne savons plus qui il est. Le jeu nous permet de trouver la bonne distance."

LAURENT TILLON
être un chêne

" Le chêne est l’arbre sur lequel on trouve en effet le plus d’espèces animales et végétales, mais aussi de micro-organismes. Sa disparition entraînerait un changement drastique de la biodiversité de cette forêt. En tout cas, les interactions entre cet “individu-arbre” toujours bien vivant et son environnement sont nombreuses et complexes. "

 "La forêt murmure. S’il s’agissait de bruits, de sons audibles pour nous les hommes, si nous avions la capacité de les entendre, de comprendre le sens de ce langage végétal, nous serions assommés par la masse monumentale des communications qui s’opèrent actuellement entre les arbres. Alors que je ne vois rien, que je ne capte finalement que très peu des événements en cours, Quercus communique pour lui-même et pour les autres, et ses voisins font de même. Par les racines, par l’air. Le brouhaha chimique est incessant et chaque volume d’air et de sol est gorgé, voire saturé de molécules informatives. "

 " Les échanges dépassent les barrières de l’espèce. Quercus “écoute” Fagus, Pinus et les autres, et il communique avec eux. Quercus sait se mettre d’accord avec les autres, pour que chacun trouve sa place. Il est diplomate. Un équilibre plurispécifique s’installe, difficile à saisir. Car chacun des arbres comprend tous les autres malgré la barrière de l’espèce. Alors, Quercus est polyplomate. "

EMMANUEL TODD

La page Emmanuel Todd sur Lieux-dits

Camille de Toledo
Une histoire de vertige

"Voilà le terrain que nous autres, les habitants du vingt et unième siècle, avons à arpenter : des espaces, des territoires blessés, une Terre raturée, biffée comme un vieux manuscrit, couverte de nos écritures par des cartes que nous avons élaborées pour stabiliser nos demeures et qui ont été remises en cause. Nous, les modernes, nous n’habitons plus selon des cosmovisions cohérentes, rattachées au monde. Nous tenons à des amoncellements de cartes, de codes délaissés ; et pour tenir, nous sommes à l’affût de nouveaux récits afin de retisser un lien au monde."


CAMILLE de TOLEDO
Les potentiels du temps

"Nous sommes encore porteurs d'une rhétorique de l'émancipation, de l'égalité, mais nous échouons à imprimer dans le présent les trajectoires désirables pour l'avenir."

FREDERIQUE TOUDOIRE-SURLAPIERRE
Le fait divers et ses fictions

" Le fait divers est rentable pour la communauté, parce qu’il l’unit mais aussi parce qu’il justifie ses pulsions voyeuristes et vengeresses (sans doute plus que son désir de justice). "

"La peur est un moteur de la régulation sociale, une façon de canaliser et de neutraliser les effets de groupe, elle est un moyen d’autant plus efficace que la société aime la peur, comme le montre notre goût des histoires terrifiantes. L’ambivalence du fait divers en découle : parce qu’il a réellement eu lieu, il sert de preuve et même d’alibi à un discours de l’insécurité qui va de pair avec une rhétorique sécuritaire, de sorte qu’il permet de renforcer l’ordre et le contrôle des populations. "

PETER TRAWNY
La liberté d'errer, avec Heidegger

"La relation de Heidegger à ce qui est allemand ne suffit pas à définir sa vie philosophique, à faire image. C'est également sa compréhension, sa pensée de l'Allemand : « Seul l'Allemand peut renouveler le surgissement de la poésie et le dire de l'être - lui seul reconquerra l'essence de la theoria et finalement édifiera la logique. »Tout porte à croire que le philosophe revendiquait pour ses pairs la domination mondiale au sens politique. Or, l'idée selon laquelle il conviendrait de « réinventer une nouvelle poésie de l'être » s'impose au lecteur. Il est évident, en suivant cette piste, que ce que Heidegger entend par la notion d'Allemand, était tout aussi décalé sous le prétendu « Troisième Reich » qu'aujourd'hui. Qui peut croire que « l'appel d'urgence lancé au poète méta-phy-sique », au « poète de l'autre commencement », à ce « plus allemand des Allemands » pouvait être entendu par quelqu'un d'autre que Heidegger ?"